Historique
La bibliothèque municipale de Louviers est née au lendemain de la Révolution française par l'apport des ouvrages confisqués aux couvents et monastères des environs.
Constitution des collections
A la Révolution, un arrêté ordonne le transfert à Louviers des livres des anciens couvents de la circonscription. Il s'agit essentiellement des bibliothèques de :
- la Chartreuse de Bourbon-lès-Gaillon (Aubevoye)
- l'abbaye de Bonport (Pont-de-l'Arche)
- le prieuré des Deux-Amants (Amfreville sous les Monts)
- les couvents de Saint-François et Sainte-Barbe (Louviers).
Cette translation a lieu en 1793, sans grand soin : les livres sont jetés dans les greniers de l'hôtel de ville. Le bibliothécaire en place, Denis Mouton, peut reprendre son poste le 17 germinal an III (soit le lundi 6 avril 1795).
Par une délibération du 20 octobre 1806, le conseil municipal de Louviers décide de mettre 300 francs à la disposition du maire pour rétablir de l'ordre dans la bibliothèque et en faire dresser le catalogue.
Le 3 août 1809, les deux commissaires nommés par le préfet pour visiter le dépôt font un rapport catastrophique : "... état déplorable dans lequel nous avons trouvé un si grand nombre de livres tous utiles et, pour la plupart, précieux. Nous dirons que tous les fléaux destructeurs des bibliothèques semblent s'être réunis pour anéantir le dépôt de Louviers : la pluie, la neige, la poussière, les vers et d'autres ennemis non moins dangereux se disputent dans ce moment les restes de tant de richesses si malheureusement entassées dans ce triste grenier. Nous devons ajouter que le plancher de ce grenier menace ruine et qu'il est prêt à s'écrouler."
Ce n'est que le 11 mars 1831 que le conseil municipal décide de nommer une commission qui va statuer sur le sort des livres qui encombrent le grenier. M. Louis Bréauté, directeur d'école, et la commission proposent d'établir un catalogue, de trier les livres et de vendre "les livres dépareillés ou reconnus inutiles".
L'inauguration de la nouvelle bibliothèque a lieu le 14 avril 1833.
En 1843, Louis Bréauté et Léopold Marcel dressent le catalogue des livres : environ 5 000 volumes. Ce fonds passe à 6 000 livres en 1853, 12 000 en 1878, et plus de 20 000 en 1901 (grâce aux dons du Ministère et de Mme Delarivière).
La bibliothèque devenue trop exiguë bénéficie du legs du notaire Edouard Lanon, collectionneur et bibliophile, héritier d'un industriel elbeuvien qui permet de construire et d'ouvrir le 15 avril 1889 la bibliothèque-musée (musée actuel sur la place Thorel).
Le musée occupe le rez-de-chaussée et la bibliothèque l'étage : le fonds ancien dans la partie gauche (salle de la Rotonde) et la bibliothèque de lecture courante, à droite.
La Rotonde contient près de 5 000 volumes du IXème au XVIIème siècle, dont 28 manuscrits et des incunables*. La quasi-totalité des ouvrages sont antérieurs au XVIIème siècle et constituent un fonds très éclectique : bibles, ouvrages de théologie et d'histoire des religions, mais aussi de philosophie, de droit, de sciences, d'histoire, de géographie, de comptes-rendus de voyages, de littérature, d'économie, de poésie et d'arts sans compter les dictionnaires de latin, grec et hébreu.
Les ouvrages d'histoire occupent une place prépondérante dans les collections du XIXème siècle de la bibliothèque : les Archives de la Bastille, les correspondances de Napoléon Ier, la Description de l'Egypte, les œuvres de Michelet, de Guizot, etc. La bibliothèque a aussi bénéficié de legs et dons d'ouvrages d'intérêt local (fonds Lalun, fonds Lanon, fonds Lemercier). Les minutes des procès de l'affaire des Possédées de Louviers, le Cartulaire* de Louviers, des archives d'usines textiles complètent ce fonds très riche et éclectique.
Depuis lors, une politique d'acquisition est menée pour continuer à enrichir ce fonds ancien, privilégiant les ouvrages concernant l'histoire locale, la sorcellerie et le textile.
La sauvegarde des collections patrimoniales
La quasi-totalité des fonds patrimoniaux, peu entretenus, est restée pendant près de 120 ans dans la salle de la Rotonde.
Au fil des décennies, cette salle a accueilli des publics variés à l'occasion de conférences, de projections...
Au printemps 2005, après un inventaire sommaire dans le cadre du PAPE (Plan d'action pour le patrimoine écrit), les bibliothécaires ont trouvé certains livres de la Rotonde rongés par des insectes vivants.
Après une étude approfondie du Muséum d'histoire de Rouen et du centre technique de conservation de la BnF à Bussy-Saint-Georges, ces insectes ont été identifiés comme des anthrènes.
Ces coléoptères, ressemblant à des coccinelles brunes, ne sont pas xylophages mais se nourrissent de fibres de tissu, papier, cuir et poils. Afin de sauvegarder ces fonds anciens, il a fallu procéder à une opération massive de destruction des insectes présents. La méthode utilisée a été une désinsectisation par anoxie. Les ouvrages ont été inventoriés, mis en cartons et dans des bâches aluminées dans lesquelles on a injecté de l'azote liquide.
8426 ouvrages ont été répertoriés au lieu des 5 000 estimés, mis dans 500 cartons ce qui représentait plus de 18 tonnes ! Le traitement par anoxie a duré 3 mois. Les ouvrages précieux traités ont été transférés début 2006 dans une salle de la médiathèque nouvellement prévue à cet effet, dans laquelle l’absence de lumière, la température constante à 20° C et l’hygrométrie à 55 % avec une ventilation filtrée indépendante contribuent à la bonne conservation de cet ensemble patrimonial.
La médiathèque possède aujourd'hui 36 manuscrits et 41 incunables (2ème fonds d'incunables de Haute-Normandie après la bibliothèque de Rouen). L'ouvrage le plus ancien est une Bible du IXème siècle.
Les locaux : de la bibliothèque à la médiathèque
La bibliothèque municipale est restée dans les locaux du musée de 1889 à 1992, place Thorel : la section des livres adultes dans l'aile gauche, la section des livres pour la jeunesse (qui a vu le jour en 1968) dans l'aile droite.
La section discothèque a été créée avec des disques vinyles et des cassettes audio en 1973.
Devant l'augmentation des collections et le manque d'espace, il a été décidé de trouver d'autres locaux pour la bibliothèque. En 1988, la municipalité a racheté des bâtiments et friches industriels : les anciennes usines Breton situées rue du quai, pour les reconvertir en médiathèque.
Léopold Breton avait acheté le bâtiment en 1882 avec les terrains adjacents pour y établir une filature de draps de laine en 1884. Filature et ateliers se trouvaient le long de l'Eure de l'autre côté de la rue du quai avec des appartements d'ouvriers. Du côté impair de la rue du quai se tenaient les entrepôts de la fabrique avec également l'imposante maison de maître, son jardin et ses dépendances.
L'industrie textile a été florissante du Moyen-âge jusqu'à la moitié du XXème siècle dans la région. De nombreux édits locaux préservaient les secrets de fabrication de la production de drap de laine en interdisant les unions entre elbeuviens et lovériennes (ou elbeuviennes et lovériens).
Le bâtiment en longueur, typique de l'architecture industrielle anglaise de la fin du XIXème siècle, possède une façade étroite sur la rue avec murs de brique, grandes baies vitrées cintrées, toits en shed (pleins au sud et vitrés au nord) qui permettent de limiter la chaleur tout en étant très lumineux. La structure métallique soutenue par des colonnes de fonte a été conservée.
Quatre ans après l'achat du terrain et des bâtiments par la Ville de Louviers, la médiathèque ouvre ses portes en 1992 avec de nouveaux suppports : CD audio, K7 VHS, un atelier multimédia avec des cédéroms, un laboratoire de langues, une régie de montage vidéo...
On lui donnera le nom de Boris Vian en 1999 à l'occasion du quarantième anniversaire de la mort de l'écrivain.
* incunables : 1ers livres imprimés, datés de 1450 à 1500
** cartulaire : recueil des actes attestant les titres et privilèges d'une communauté religieuse ou laïque